La Chasse aux Sorcières est la persécution permanente de personnes accusées de pratiquer la Sorcellerie. Contrairement à une idée répandue, cette activité n'était pas à la mode au Moyen-Age chez les Catholiques mais bien à la Renaissance et majoritairement chez les Protestants. Ce n'était même pas du ressort de la Sainte Inquisition.
La Sorcellerie
Avant tout, qu'est-ce que la Sorcellerie? Etymologiquement, dans son acceptation antique, il s'agit à la base d'un procédé plus ou moins rituel qui a pour but d'interroger le "Sort", le Destin, pour connaître l'avenir ou la marche à suivre, comme le font les Devins. Mais le terme Sorcier évolue au VIème Siècle pour désigner aussi celui qui cherche à modifier ce Sort à son profit. Pour cette fin, il sollicite des forces naturelles, spirituelles, divines ou démoniaques. Cela peut consister à préparer des solutions ou potions, prier ou invoquer des entités, prononcer des incantations...
Si certaines pratiques pouvaient être tolérées chez les Païens des anciennes coutumes, il n'en n'est pas de même pour les religions Abrahamiques. Pour les peuples du Livre, tout ce qui touche au surnaturel mais qui n'émane pas de Dieu est plus ou moins considéré comme de la Sorcellerie, et il est clairement stipulé dans l'Ancien Testament: "Tu ne laisseras point vivre la Sorcière" (Exode, 22:18). En gros, tout ce qui était devineresse, hérétique, prêtresse... Pouvait être considérée comme Sorcière, quand bien même il s'agirait simplement d'une guérisseuse ayant des pratiques hétérodoxes.
Les Persécutions
Les violences contre les personnes accusées de pratiquer la Sorcellerie ont toujours plus ou moins existées, même du temps du Polythéisme, mais elles étaient rarement institutionnalisées. C'était surtout des prétextes dans les couches populaires pour régler des comptes contre leurs voisins. N'importe quel évènement peut provoquer une accusation, comme une maladie qui touche la commune, des animaux qui meurent dans des circonstances étranges, de mauvaises récoltes, des soupçons d'empoisonnements ou d'infanticides... Aussi cela passait devant les tribunaux pour éviter que les petites gens se fassent justice eux-même en massacrant de prétendus jeteurs de sorts. Quelques personnes ont donc été individuellement punies pour pratiques diaboliques, mais il n'y avait pas de chasses organisées. La Loi Salique édictée par les Francs condamne les pratiques magiques, généralement sous peine d'amende.
Durant la période Chrétienne le concept de la Sorcière va se construire, partant d'abord de la devineresse, puis l'hérétique, la guérisseuse ou la jeteuse de sort jusqu'à théoriser qu'elle se transforme en Animal, vole dans la nuit parfois sur un balais, pratique la Magie Rituelle et le culte aux Démons lors de Messes Noires ou Sabbats, capable d'invoquer des Forces Infernales.
L'Eglise condamnait la pratique de la Sorcellerie, pourtant durant la majeure partie de son histoire elle n'a pas vraiment lancé de répression, car elle considérait que cela n'était que superstition, car si la magie venait bien des Démons, aucun humain n'aurait le pouvoir de les commander à ses fins. C'est d'autant plus vrai que même la Sainte Inquisition ne se préoccupait presque pas des Sorciers, elle préférait convertir les Hérétiques et les Juifs. La 1ère Bulle Pontificale contre la Sorcellerie est écrite en l'an 1233, et le premier procès religieux contre une Sorcière a lieu officiellement à Paris en 1391. Néanmoins dans les archives des Provinces d'Auvergne et du Velay, on trouve 3 Sorcières condamnées à des dates antérieures, entre 1382 et 1391.
Il s'agirait d'Agnès Celeyra à Clermont en 1382;
Jeannette Nova, guérisseuse soupçonnée de pratiquer la Sorcellerie sur les terres du Monastier-Saint-Chaffre, brûlée vive à Saint-Front le 6 Août 1390;
Blanchette de Polet, accusée de lancer des Sorts d'Amité sur le Comte Jean II d'Auvergne, pour le garder sous l'influence d'un favori, condamnée à être emprisonnée à vie à Vertaizon.
Les autres Sorcières de la région ne sont attestées qu'à partir de 1452, pour n'atteindre qu'une petite 20aine sur plusieurs siècles.
Les Chasses aux Sorcières
C'est bien vers la fin du Moyen-Age et le début de la Renaissance qu'ont commencées les vraies et massives Chasses aux Sorcières, notamment à cause de la Peste Noire où on les accuse elles et les Juifs d'empoisonner les puits ou d'ensorceler les Chrétiens.
Il y a une explication de ce brusque changement de mentalité, il faut bien dire que les Gaulois n'avaient pas peur de la mort, puisqu'ils croyaient dur comme fer à la vie d'après. Avec la Christianisation et la promesse du Paradis à qui avait la Foi, ce sentiment ne s'est pas estompé, et quelque part le Diable et ses Démons ne sont pas vraiment craints dans la culture populaire, ce ne sont que des tentateurs et des punisseurs, de plus Dieu et les Saints protègent leurs ouailles. Au pire des cas même pour les plus sceptiques, la mort est considérée comme un long et paisible sommeil. Les funérailles étaient un moment de réjouissance, la fin de la souffrance pour le défunt qui rejoignait sa famille et ses amis dans les Cieux, tous les proches se réunissaient aussi nombreux que pour un mariage ou un baptême.
Mais à cause des grandes épidémies de la fin du Moyen-Age, presque la moitié de l'Europe a périe, la mort devient omniprésente, certaines villes ramassent des cadavres à plein chariots, l'Eglise accuse les peuples d'attirer ce mal par son manque de piété, les gens cherchent toutes les astuces possibles pour limiter la casse, et pas seulement la prière. Même après cette période terrible, le rapport à la vie et au trépas a radicalement changé: les gens sont moins confiants envers Dieu mais beaucoup plus effrayés par l'influence du Diable, la construction des cathédrales s'est arrêtée et les persécutions contre les impies comme les Sorcières connaissent une augmentation vertigineuse! Les gens ont désormais peur de la mort et de ce qui la provoque. C'est aussi à partir de cette époque qu'on a presque arrêté de se laver, car on avait bien compris que les maladies se transmettaient aussi par l'eau.
On estime qu'entre le XVIème et le XVIIème Siècle, plus de 100000 personnes ont été poursuivies pour Sorcellerie, presque 50000 ont été exécutées, dont plus de la moitié étaient des femmes.
Dans le Royaume de France dès 1640 plusieurs textes de lois et décrets visant à décriminaliser l'utilisation des sortilèges ou à empêcher les tribunaux de la condamner voient le jour, même si quelques condamnations sont toujours prononcées de manière ponctuelle. Seulement 500 exécutions recensées sur le territoire de l'époque (qui n'avait pas les mêmes frontières que maintenant). Les anciennes provinces de l'actuelle Auvergne compteraient officiellement moins d'une 10aine de Sorcières sur cette période, et pas toutes exécutées.
Le Sud de l'Europe n'a presque pas connu ce phénomène, avec environ 1300 morts, l'Inquisition y était puissante et elle n'en n'avait cure, déjà bien occupée à convertir les peuples non-Chrétiens d'Ibérie qui étaient restés là malgré la Reconquista.
C'est bien dans les pays du Nord et de l'Est, notamment ceux de confession Protestante, que le massacre a été de loin le plus avancé, avec au moins 25000 victimes rien que pour l'actuelle Allemagne.
Cela s'est énormément calmé au cours du XVIIIème où les poursuites pour magie deviennent anecdotiques, la dernière Sorcière brûlée en Europe étant la Suisse Anna Göldin en 1782.
La Sorcellerie dans le Folklore d'Auvergne
S'il y a peu de Sorciers au sens strict dans les histoires locales, la magie est quasiment omniprésente, pratiquée par le Diable, le Drac, les Fades, les Lutins, parfois par des personnages mystérieux qui connaissent juste quelques sorts, tels que des guérisseurs. Même les histoires des Saints paraissent sortir de ce registre plutôt que de celui du miracle religieux, ou au moins se mêlent. Il y a bien une histoire de Sorcières se réunissant avec le Diable au sommet du Puy-de-Dôme pour faire une Messe Noire lors du Solstice d'Eté, près des ruines du Temple de Mercure, quoique pas mal d'indices laissent supposer qu'il s'agirait plutôt d'une caricature de l'ancien culte Païen dédié à Lug Arvernorix.
Quelques illustrations de ces propos dans les sections Bestiaire et Légendes et Vie des Saints.
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