Le 1er Août a toujours été une date importante dans nos contrées Occidentales. On sait qu'en Irlande Païenne avait lieue Lugnasad, dite Assemblée de Lug, fête des moissons et de la cohésion de toutes les couches de la société sous l'autorité du Roi qui assumait son rôle de garant de la prospérité et de redistributeur des richesses. Par extension, on pense que toute l'Europe Celtique la célébrait également, ou au moins des équivalences comme l'archéologie semble le suggérer.
Plus tard durant la période Gallo-Romaine, à la même date, toutes les Cités Gauloises seront réunies à Lugdunum dans une cérémonie religieuse destinée à montrer leur allégeance à l'Empereur de Rome, présent pour l'occasion. C'est ce qu'on appelle le Concilium Galliarum.
Puis sous le Catholicisme, cela sera remplacé par la Saint-Pierre-aux-Liens, commémorant la sortie de l'Apôtre des geôles de Jérusalem grâce l'aide apportée par un Ange. De nos jours encore, nombreuses sont les fêtes agraires situées début Août, en lien ou non avec ces anciennes célébrations, nous le ne saurons sans doute jamais avec certitude, mais des points communs sont à relever.
Lugnasad, l'Assemblée de Lug
D'après la Mythologie Irlandaise, Lugnasad aurait été instaurée par le Dieu Lug en mémoire de sa mère adoptive Tailtiu, qui meurt d'épuisement en défrichant la Forêt de Breg pour la transfermer en terre agricole. C'est elle qui par son sacrifice permet donc aux habitants de l'île de cultiver leur nourriture et d'accéder à l'abondance alimentaire. Tailtiu est comme la Déesse Dana une allégorie de l'Irlande fertile.
Fêtée aux alentours du 1er Août par les peuples Celtes sous le patronnage du lumineux Lug, Roi des Dieux, dispensateur de richesses, connaissant tous les arts et métiers, Lieur de toutes les classes sociales de la communauté. En Gaule, cela correspond au début du mois d'Elembivios. Elle marque la fin de la période Estivale et l'approche de l'Automne, toujours en rapport avec Lug, Dieu de la Lumière Fécondatrice tant sur l'aspect intellectuel que biologique, en l'occurence on pense au Soleil qui fait mûrir les blés. On invoquait aussi la Déesse-Mère pour que la récolte soit généreuse et que les Paysans soient bénis. Le Roi Céleste s'unit avec la Terre Sacrée pour le bien de tous.
C'est la Fête des Moissons qui approchent et du Clan, où les 3 Ordres (Prêtres, Aristocrates, Producteurs) sont conviés sous l'autorité du Chef ou du Roi. À cette occasion, on organise des jeux sportifs, des foires, de la musique est jouée, de la poésie est récitée, on fait des concours d'éloquence et des banquets sont organisés. On sacrifiait des boeufs et faisait offrande de nourriture, il y avait aussi probablement des libations. C'est un moment privilégié pour régler les différents qui opposent les membres de la Cité et célébrer des mariages, toujours dans cette optique à la fois de cohésion sociale et de fertilité du Clan. C'était un jour de trêve, les Guerriers ne devaient pas porter leurs armes.
Le Monarque assumait ici son rôle de redistributeur des richesses, de garant de la prospérité, de la sécurité, de la paix et de l'unité de ses administrés. A l'image de Lug en tant que Dieu Lieur, le Chef/Roi était donc le Lien qui unissait tout son peuple.
On a retrouvé des traces d'énormes banquets sur les Oppidae de Corent et de Gergovie, peut-être y fêtait-t-on Lugnasad? Ce qui est sûr, c'est que du temps du Roi Arverne Luernos, qui lançait de l'or à son peuple du haut de son char, on organisait de formidables banquets réputés jusque dans le monde Méditerranéen, ce qui correspond très bien à l'image du Monarque redistributeur de richesses qui sera plus tard véhiculée dans les traditions de l'Irlande Médiévale. Sur ces même sites, on a retrouvé des restes d'amphores à vin achetées à prix d'or aux Massaliotes et autres marchands du Sud ,"Sacrifiées" à l'épée, comme des libations qui complèteraient ou remplaceraient des rituels sanglants.
Même en supposant que Lugnasad ait eut un équivalent en Gaule, il n'a pas survécut jusqu'à nos jours, sans doute à cause de la Romanisation et/ou de la Christianisation. Encore que le 1er Août a toujours été célébré, on pense à l'Assemblée des Gaules sous l'Empire Romain, la Saint-Pierre-aux-Liens sous le Catholicisme avant Vatican II, et les nombreuses fêtes agraires que l'on retrouve encore un peu partout en Europe. Par exemple on a Lammas dans les Iles Britanniques, les Wetterfrauen en Autriche, Saint-Louan en Bretagne, et beaucoup de festivités locales en Auvergne comme les Fourmofolies d'Ambert, la Festa del Païs à Saint-Flour, certaines foires et Estives...
Saint-Pierre-aux-Liens
Le 1er Août, les Catholiques célébraient la Saint-Pierre-aux-Liens, ou "Fête des Chaînes du Prince des Apôtres". Elle commémorait un épisode du Nouveau Testament où, en l'an 44, le Roi Hérode Agrippa fait persécuter les Chrétiens pour contenter son peuple Juif qui les considère comme des blasphémateurs. Certains sont tués, d'autres capturés en attendant leur procès pour blasphème. Pierre est alors enchaîné et emprisonné à Jérusalem. Mais un Ange vient sauver l'Apôtre en le délivrant de ses liens, ce qui lui permet de s'échapper pour rejoindre les siens. Cette fête a été établie en l'an 439 par le Pape Sixte III et sera supprimée en 1960 par le Pape Jean XXIII. Pendant des siècles, notamment au Moyen-Age, des réjouissances étaient organisées sous forme de foires et autres festivités rurales en l'honneur de Saint-Pierre.
La date du 1er Août est très certainement une coïncidence, il y a en effet peu de chances que cette fête soit reprise de Lugnasad ou de l'Assemblée des Gaules. Cependant on peut trouver des points communs, car ces foires liées au Calendrier des Travaux Agricoles font tout de même partie du culte à cet Apôtre qui est le Saint Patron des Moissonneurs et de beaucoup d'autres professions. Aussi, certains auteurs auraient fait le rapprochement entre Saint-Pierre-aux-Liens et Lug qui est un Dieu Polytechnicien connaissant tous les métiers, un Dieu Lieur qui soude toutes les classes sociales, aussi du Serment, donc du Lien par la Parole Donnée, et qui se retrouve également enchaîné dans la Mythologie Irlandaise.
Ou alors entre l'Apôtre et Ogme, Dieu Lieur qui est la version ténébreuse du lumineux Lug, lanceur de pierres, souvent représenté avec des chaînes accorchées à sa langue, qui entrave ses ennemis par des formules magiques et séduit les foules par son éloquence, cette dernières caractéristique étant fréquente chez les Disciples de Jésus.
Pour aller plus loin, Saint-Pierre est celui à qui le Christ dit: "Je te donnerai les clefs du royaume des Cieux: ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux" (Evangile selon Saint-Mathieu 16:19). Pour les Catholiques, il est le Gardien des Portes du Paradis, desquelles il détient la clef. Or, Lug et Ogme ont tous 2 une fonction Psychopompe, c'est-à-dire qu'ils conduisent les âmes des morts dans l'Au-delà. Bien sûr il est impossible (en tous cas peu probable) que les écritures du Nouveau Testament aient été influencées par la Culture Druidique, mais beaucoup des traditions populaires de l'Europe Chrétienne l'ont été, ce qui pourrait expliquer que certains éléments puissent correspondre, bien que cela puisse aussi bien être le fruit hasard.
Concilium Galliarum
Durant la période Gallo-Romaine, le 1er Août était le jour du Concilium Galliarum, l'Assemblée des Gaules qui se déroulait tous les ans àLugdunum (Lyon) en présence de l'Empereur de Rome. Elle réunissait des représentants des 60 Cités Gauloises assujéties à l'Empire Romain à qui ils devaient renouveler leur serment d'allégeance et rendre un culte. Cela se présentait sous la forme d'une fête religieuse avec processions, sacrifices, musique, jeux, concours de poésie, d'éloquence. C'était aussi le temps où les représentants pouvaient directement parler à l'Empereur au sujet des doléances et mécontentements des Citoyens Gaulois afin d'y trouver des solutions.
Le Sanctuaire Fédéral des Trois Gaules où se déroulait l'Assemblée aurait été construite sous Auguste vers l'an 12 avant notre ère. Il se trouve à la Croix-Rousse, à la confluence entre le Rhône et la Saône. Il faisait environ 296 mètres de long pour 69 mètres de large. Il possède un Amphithéâtre qui lui est daté de l'an 19, pouvant accueillir environ 1800 spectateurs, puis 20000 personnes après sa rénovation en l'an 130. On y trouve surtout l'Autel des Gaules, énorme, posé sur un soubassement de 50 mètres de long, entre 2 colonnes, une de chaque côté, chacune surmontée d'une Victoire Ailée en bronze doré et tenant des palmes et couronnes d'or. On pouvait lire dessus les noms de toutes les Tribus Gauloises et d'après Strabon, chacune étant également représentée par une statue posée sur le monument.
Il existe un débat d'historiens au sujet de cette Assemblée des Gaules, avec 2 tendances:
- La 1ère Celtisante qui estime que les points communs entre Lugnasad et le Concilium Galliarum, comme la date, l'aspect politico-judiciaire, les jeux et concours, ne sont pas un hasard. On fêtait l'unité des 3 Gaules sous l'égide de l'Empereur, comme on fêtait l'unité du Clan sous l'autorité de son Roi. Le culte du Mercure Gaulois était très répandu à Lugdunum comme dans le reste de la Gaule, Dieu sous lequel on voit souvent le Lug autochtone. D'ailleurs, Lugdunum viendrait de Lug Dunon 'Citadelle de Lug'. En Gaule le nom de l'Empereur est souvent associé à Mercure, comme le Mercure Dumias des Arvernes, on trouve même plusieurs "Mercure Auguste" ce qui associe Mercure à la Souveraineté. L'Empereur qui démontre une dévotion particulière à ce Dieu quand il se trouve en Celtique, alors qu'en tant normal à Rome, il s'identifie plutôt à Jupiter, le Roi Céleste et garant de l'Ordre Cosmique. L'archéologie a montré qu'il y a avait des restes abondants de nourriture à Fourvières qui dataient de l'époque Celtique, laissant penser que des banquets et/ou des foires s'y déroulaient.
-La seconde Latiniste, à contrario, estime qu'on ne peut pas faire de lien convaincant entre Lugnasad et le Concilium Galliarum. Pour elle, le 1er Août commémore la prise d'Alexandrie par Octave, le Sanctuaire des Trois Gaules se trouve à la Croix-Rousse et non à Fourvières, le culte rendu à l'Empereur et aux Dieux est typiquement Romain, comme l'Autel qui lui est dédié. Aussi, aucune dédicace au Dieu Lug n'a été trouvé en Gaule, Lugdunum peut tout aussi bien signifier 'Forteresse Lumineuse' ou 'Colline aux Corbeaux' sans faire référence à cette divinité. D'ailleurs, rien n'indique non plus que Mercure fut plus vénéré qu'un autre Dieu durant cette cérémonie.
Malgré cela, certains n'écartent pas l'éventualité qu'un culte autochtone ait pu exister à Lug Dunon avant la Romanisation, peut-être même début Août, mais que ça n'implique pas qu'il y ait nécessairement un lien avec l'Assemblée des Trois Gaules.
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