Le terme Bougnat est actuellement utilisé à toutes les sauces pour désigner un Auvergnat, en lui donnant parfois une connotation locale. Pourtant il s'agit-là d'un abus de langage puisqu'initialement, on l'employait bien pour désigner des Auvergnats ou autres personnes du Massif Central, mais qui vivaient à Paris!
Bougnat est la contraction de "Charbougnat", de l'Argot Parisien du XIXème Siècle mélangeant les mots "Charbonnier" et "Auvergnat", puisque beaucoup de marchands de charbon de la Capitale étaient originaires d'Auvergne.
Les Auvergnats à Paris
Bien que Paris attire des Provinciaux depuis fort longtemps, il y a quand même quelques évènements historiques qui ont provoqués des exodes plus ou moins importants en provenance du Massif Central.
On trouve officiellement des Auvergnats à Paris depuis le XIVème Siècle, et des Bourbonnais probablement avant. Il s'agissait au départ de personnes qui servaient le Royaume de France en tant que militaires ou fonctionnaires, souvent issues de la Noblesse. Puis petit à petit ce sont des gens de plus basse extraction sociale qui s'y rendent pour exercer divers métiers pénibles comme porteurs de d'eau, notamment pour les bains des familles aisées, ou des activités d'artisanat dont certaines dans la métallurgie.
La 1ère moitié du XVème Siècle voit un important recul de l'épidémie de Peste ainsi que la désescalade de la Guerre de Cent Ans, mais de nombreuses régions du Royaume de France en sortent exsangues. L'Auvergne qui était moins touchée et se redressait économiquement est par la suite ravagée par plusieurs séismes en l'an 1450, 1477 et le plus violent appelé Séisme de Limagne en 1490. Cette combinaison d'évènements amène un grand nombre d'Auvergnats à partir vers d'autres territoires, y compris dans le Bassin Parisien dont principalement la partie Sud, contribuant ainsi à leur repeuplement.
Au XIXème Siècle, la population Auvergnate augmente constamment mais son économie stagne et il n'y a plus assez d'emplois pour les locaux. Cela pousse de nombreux paysans montagnards à migrer en Ile-de-France pour y trouver du travail à partir des années 1850, exode amplifié par la Crise Agricole qui touche la France aux environs des années 1870 à 1900. Parmi les gens du Massif Central, on trouve surtout des Auvergnats dont une majorité de Cantaliens, suivis de ceux du Puy-de-Dôme ainsi que pas mal de gens issus de l'Arrondissement de Brioude, mais aussi une forte communauté orginaire de l'Aveyron.
Les Bougnats
Au XIXème Siècle beaucoup d'Auvergnats deviennent restaurateurs, commerçants de ferraille, boissons ou combustibles, principalement le Charbon dont la demande explose en pleine Révolution Industrielle. Avec le développement de l'eau courante, le métier de porteur disparaît. Certains tiennent ce qu'on appelait des "Cafés-Charbons", des établissements faisant à la fois débits de boisson et magasins de charbon, éventuellement caves à vins, sur lesquels on pouvait souvent lire "Vins et Charbons". Le charbon est principalement importé de Brassac-les-Mines (Puy-de-Dôme). Généralement la femme servait les boissons tandis que le mari s'occupait des combustibles. Les Parisiens dans leur argot les nomment les "Charbougnats", mélange de Charbonniers et d'Auvergnats qui sera contracté en Bougnats.
Une véritable culture Auvergnate se développe dans Paris. Déjà ils sont vus différemment des autres habitants de la Capitale, non seulement en tant que tenanciers des Cafés-Charbons mais aussi ils forment une communauté solidaire, gardent souvent leurs traditions ancestrales, portent parfois le costume traditionnel, on leur attribut un mauvais parler Français avec une espèce d'accent Occitan bizarre, ils exercent fréquemment des métiers difficiles et ils sont pour beaucoup installés dans les 11ème et 12ème Arrondissements, près des gares qui permettent de rejoindre facilement leur Massif Central natal. Louis Bonnet, un Aurillacois vivant à Paris, fonde un journal dédié au Massif Central, simplement nommé l'Auvergnat. Cette même personne obtient des billets à tarif réduit pour les Auvergnats qui prennent le train pour passer leurs vacances sur leur terre originelle.
On peut quelquefois voir des références à ces Bougnats dans les arts et littérature, on pense par exemple à la fameuse chanson de Georges Brassens. Aujourd'hui environ 500000 Parisiens seraient leurs descendants, ils tiennent encore beaucoup d'établissements de l'Hôtellerie-Restauration et il existe plusieurs groupes folkloriques perpétuant les traditions du Massif Central au sein de la Capitale. Aussi, il n'est pas rare que l'Ile-de-France fasse partie des régions attribuées aux personnes originaires du Massif Central qui font un test génétique, les liens familiaux doivent donc encore être relativement forts entre ces 2 régions. Actuellement, le terme Bougnat est parfois même utilisé pour désigner les Auvergnats d'Auvergne, ce qui n'est bien sûr pas conventionnel.
Articles liés : Chanson pour l'Auvergnat - Costumes Traditionnels - Génétique du Massif Central