Le Troubadour Astorg VII d'Orlhac (24/02/2021)

Astorg VII d'Orlhac (Aurillac) était Baron de Conros en Haute-Auvergne (Cantal), Chevalier et Troubadour durant le XIIIème Siècle. Il fait partie des grands noms de la Poésie Occitane Médiévale. Malheureusement les sources sur sa vie sont contradictoires notamment sur les dates, il se peut donc qu'il y ait des imprécisions dans le déroulement des évènements... De même, en bas de page se trouve un poème en langue Cantalienne qu'on lui attribue, mais qui pourrait être de son père. Veuillez m'excuser pour cela.
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Biographie

Il est né vers 1225 au Château de Conros à Arpajon-sur-Cère dans l'actuel Cantal. Il était le fils d'Astorg VI d'Orlhac, Baron de Conros, et de Marguerite de Malemort, issue d'une puissante Seigneurie du Limousin. Il avait pour frère le Seigneur de Laroquebrou, Durand de Montal.

Astorg VI meurt en 1259, laissant son héritage à ses 2 fils, Astorg et Durand. Mais afin de  payer toutes les dettes liées aux droits de succession, ils doivent se délester de la moitié des revenus de leurs terres pendant 3 ans aux gardiens du testament, à savoir Guilhelm de Montal, Guillaume de Malemort et Malfre de Castelnau. Le document est authentifié par les sceaux d'Hugues IV Comte de Rodez et Aymar Abbé d'Aurillac.

Astorg VII est adoubé par Saint-Louis (Louis IX, Roi de France) en personne le jour de la Pentecôte en 1267.
En 1269, Astorg demande à Alphonse, Comte de Poitiers et d'Auvergne choisi par le Roi pour administrer la province, que la Sénéchaussée de Rouergue contraigne sa mère, Marguerite de Malemort, de lui restituer son Château de Tinières dont elle avait pris possession par le passé.

Astorg décide de rejoindre Saint-Louis à la 8ème Croisade, il vend donc à son frère Durand de Montal toutes ses possessions des paroisses de Viescamp, Saint-Etienne, Saint-Géron, Ayrens, Crandelles, Ytrac et Omps, le 22 Août 1270 pour couvrir ses frais. Toutefois son périple sera de courte durée, puisque 3 jours plus tard près de Tunis, il verra périr son Roi de maladie. Cet évènement ainsi que les massacres et les épidémies dont il sera témoins vont profondément entacher sa vision de la Religion. Le siège de Tunis prend fin en Novembre 1270 après que les Chrétiens aient conclue une paix avec les Musulmans. Les Croisés Français embarquent alors pour l'Europe le 11 Novembre 1270.

Les Barons de Conros étaient vassaux de l'Abbaye d'Aurillac de longue date, mais il existait une lutte de pouvoir pour le contrôle de la région entre les Abbés et le Comté de Rodez voisin. C'est ainsi que vers l'an 1274, Henri II, Comte de Rodez, Vicomte de Carlat et Vicomte de Creyssel réclame qu'Astorg VII soit son vassal et lui rende un hommage direct. Le Baron refuse, provoquant une guerre entre les 2 hommes. Les tensions ne cesseront qu'en 1284 après un arbitrage : Astorg VII, Baron de Conros, devient vassal du Comte Henri II qui lui-même devient vassal de l'Abbaye d'Aurillac.

La même année il se marie avec Galienne de Malemort, Dame de Donzenac, qui lui donnera son fils Astorg VIII. Le Baron Astorg VII s'éteind le 1er Septembre 1291 à Toulouse, laissant son château et son fief à son héritier.

Oeuvre

Un Sirventès, c'est-à-dire un poème satyrique en Langue d'Oc, nous est parvenu. Extrêmement touché par la Croisades durant laquelle il a combattu,  il y critique la Religion et le Clergé de son temps. Mais un problème demeure: cette oeuvre évoque la 7ème Croisade à Alexandrie où Saint-Louis fut capturé. Or, Astorg VII a participé à la 8ème Croisade à Tunis durant laquelle ce Roi mourrut. Certains auteurs pensent alors que le poème a été écrit par son père Astorg VI, lui aussi Troubadour. A moins qu'Astorg VII ne l'ait composé à partir d'un récit de son père avant que lui même ne parte à la guerre? Il y a visiblement un problème sur les sources et leur datation. En tous les cas, voici le Sirventès extrait de CLIF : Club Littéraire d'Ile-de-France http://clif.over-blog.com/article-astorg-vii-d-orlhac-116...

Version Cantalienne origininale Traduction Française

Ai! Dieus! per qu'as fâcha tan gran maleza
De nostre rey frances, lare e certes,
Quan as sufert qu'aital ant'aia prezal
Qu'elh ponhava cum servir te pogues,
Que-1 cor e-l saber hi metia,
En tu servir la nueg e-1 dia,
E, cum pogues, far e dir tom plazer:
Mal guizardo l'en as fag eschazer.

Ai! bella gens, avinens e corteza.
Que oltra mar passetz tam bel arnes,
May no-us veyrem tornar sai, de que-m peza,
Don per lo mon s'en es grans dois empres.

Mal dîcha si' Alexandria!
E mal dicha tota clercia!
E maldig Turc, que-us an fach remaner!
Mal o fetz dieus, quar lor en det poder.

Crestiantat vey del tot a mal meza;
Tan gran perda no cug qu'ancmais fezes:
Per qu'es razos qu'hom hueymais Dieus descreza,
E qu'azorem Bafomet, lai on es,
Tervagan e sa companhia,
Fus Dieus vol e Sancta Maria
Que nos siam venait a non-dever,
E-ls mescrezens fai honratz remaner.

L'emperaires volgr' agues la crotz presa
E qu'a son filh l'emperis remazes,
E que-s tengues ab lui la gens franceza
Contra fais clercx, en cui renha no-fes;
Qu'an mort pretz e cavalairia,
E morta tota cortezia,
E prezo-s pauc qui a son desplazer,
Sol qu'ilh puesco sojornar e jazer.

Ai! valens reys, [s'avias la] largueza
D'Alexandre, que tôt lo mon conques,
Vengarias  la gran anta qu' as preza;
Ai! membre te de Karle, del marques Guillem, de Girart cum vencia.
Ai! francs reys, s'o be-t sovenia,
Leu foran Turc fello en ton poder,
Quar bon secors fai Dieus a ferm voler.

Sanh Peire tenc la drecha via,
Mas l'apostolis la-lh desvia,
De fals clergues que ten en som poder,
Que, per deniers, fan manh rey decazer.

Ah ! Dieu, pourquoi as-tu causé un si grand malheur
A notre roi français, généreux et courtois,
Quand tu as souffert qu'il ait reçu pareille honte ?
Car il s'efforçait de trouver comment il pourrait te servir,
Car il y mettait son cœur et son savoir,
A te servir la nuit et le jour,
Et, autant que possible, à faire et dire ton bon plaisir:
Bien mauvaise récompense tu lui en as fait échoir !

Ah ! belle troupe, gracieuse et courtoise,
Vous qui fîtes passer outre-mer un si bel équipage,
Jamais nous ne vous verrons revenir par ici, et j'en suis navré,
Et par le monde grand deuil s'en est répandu,
Maudite soit Alexandrie !
Et maudit tout le clergé !
Et maudits soient les Turcs qui vous ont fait rester là-bas,
Dieu a mal fait, de leur avoir donné ce pouvoir. 

Je vois la chrétienté complètement mise à mal;
Je ne crois pas qu'elle ait jamais subi si grande perte:
Aussi est-il légitime qu'on cesse désormais de croire en Dieu,
Et que nous adorions Bafomet, là où Dieu se trouve.
Tervagan et sa compagnie,
Puisque Dieu veut, ainsi que Sainte Marie,
Que nous soyons vaincus contre tout droit,
Et qu'il permet aux mécréants de rester couverts d'honneur.

 Je voudrais que l'empereur eût pris la croix
Et que l'empire demeurât à son fils,
Et qu'à ce dernier se joignît la nation française
Contre les faux clercs, en qui règne déloyauté ;
Car ils ont tué valeur et chevalerie,
Ils ont tué toute courtoisie
Et ils se soucient peu de savoir qui éprouve du déplaisir,
Pourvu qu'ils puissent se reposer et dormir.

Ah ! vaillant roi, si tu avais la largesse
D'Alexandre, qui conquit le monde entier,
Tu vengerais la grande honte que tu as subie.
Ah ! qu'il te souvienne de Charles, du marquis
Guillaume au Court-Nez, de Girart  de Roussillon et de sa façon de vaincre,
Ah ! noble roi, s'il t'en souvenait bien,
Les Turcs félons seraient vite en ton pouvoir
Car Dieu fait bon secours à ferme vouloir.

Saint Pierre suivit la droite voie,
Mais le Pape la lui rend tortueuse
A l'aide de faux clercs qu'il tient en son pouvoir
Et qui, pour de l'argent, font déchoir maint roi.

Article lié : Langues d'Auvergne

16:24 | Tags : personnalités, cantal, moyen-âge | Lien permanent | Commentaires (0)