Néolithique et Chalcolithique en Auvergne (14/09/2020)
Néolithique vient du Grec signifiant "Nouvelle Pierre", car c'est la période où les Hommes fabriquent des outils en pierre polie. Mais ce n'est pas la seule avancée technique de l'époque. En effet il s'agit aussi du début de la poterie et surtout de l'agriculture, donc de la sédentarisation. Cette période s'étend à peu près de -9 000 à -3 300 avant J-C, elle débute au Proche-Orient et n'arrivera en Europe qu'aux alentours de -7 000. Contrairement à ce que l'on pensait encore il y a peu, ce nouveau mode de vie n'a pas été adopté peu à peu par les Européens de l'époque, en fait ce sont les nouvelles populations d'agriculteurs qui se sont massivement déplacées d'Anatolie pour aller en Europe avec leur savoir dans leurs bagages. D'ailleurs les Chasseurs-Cueilleurs autochtones n'ont pas imités tout de suite ces moeurs étrangères et les deux civilisations ont longtemps cohabitées plus ou moins pacifiquement avec peu de mélanges au début. La civilisation Néolithique perdurera jusqu'aux âges des métaux, le Chalcolithique ou Age du Cuivre apparaissant vers -3500 en Europe Occidentale.
Une partie du territoire de l'Auvergne actuelle se trouvait dans l'aire de la Culture de la Céramique Cardiale. Notez qu'à l'époque l'Arvernie en tant qu'entité Administrative ou Ethnique n'existe pas encore, puisqu'elle n'apparaît dans l'Histoire qu'à partir de l'Age du Fer Celtique vers l'an -800. Malgré tout, environ 50% du génome des Auvergnats et Français actuels vient de ce peuple du Néolithique, les Indo-Européens n'ayant pas supprimé (en tous cas pas totalement) les gens qu'ils ont conquis.
La population sur le territoire de l'actuelle Auvergne a commencé à se densifier entre -5 000 et -1 000 surtout autour de la plaine de la Limagne, très fertile, bien que les lieux d'habitations en hauteur, facile à défendre militairement, soient privilégiés. Les guerres semblaient fréquentes, pas forcément entre Anatoliens et Européens, mais souvent entre agriculteurs, sûrement pour l'appropriation de terres ou de bétail. On trouve des zones assez densément peuplées à l'emplacement d'actuelles villes telles qu'Aurillac, Cébazat, Ravel, Corent, etc, tandis que d'autres sont quasiment inoccupées.
Il faut noter que je ne parlerais plus par la suite d'Anatoliens car même si à l'époque ils venaient du Levant ou d'Anatolie, génétiquement ils n'ont rien à voir avec les populations actuelles de ces zones géographiques. Morphologiquement ils nous étaient assez semblables. Les historiens les appellent EEF pour Early European Farmer qu'on pourrait traduire grosso-modo par Premiers Fermiers Européens, pour les différenciers des descendants de Cro-Magnons autochtones, donc Chasseurs-Cueilleurs. Même si par l'ADN les scientifiques arrivent à faire une nette distinction entre les deux, leurs faciès semblaient proches. Cela-dit pour les suppositions récentes le Chasseur-Cueilleur serait brun aux yeux bleus, avec des os plus épais et sa taille moyenne était d'environ 1,77m, tandis que le Fermier aurait la peau plus claire, des yeux marrons avec une taille moyenne d'1,66m mais plus trapus, ces données risques d'évoluer au fil des découvertes archéologiques. La plupart des habitants sédentaires de l'Europe à l'époque sont de même souche, le gros des variations génétiques viendra du mélange plus ou moins élevés avec des Cro-Magnons autochtones.
La nette différence de tailles entre ces deux peuples pourraient avoir différentes explications, toutes liées à la sédentarisation :
-L'alimentation pour commencer : on passe de vivres issues de la chasse-pêche-cueillette riches en protéines, vitamines, omega3 et minéraux à des rations bien plus glucidiques avec la culture des céréales et des légumineuses également riches en acide phytique qui pourrait limiter l'absorption de certains minéraux, et plus grasses avec l'apparition des produits laitiers comme le beurre et le fromage et bien sûr la viande d'élevage. A noter que ces populations sont intolérantes au lactose, le lait n'est donc pas consommé tel quel. Les données archéologiques mettent tout de même en évidence la pratique régulière de la pêche et ponctuellement de la chasse par ces agriculteurs. De plus on ne connaît pas précisément les rations journalières de l'époque, surtout qu'elles devaient varier selon les zones et les changements climatiques. Alors est-ce qu'ils mangeaient si mal que ça par rapport aux Cro-Magnons ? Mais une chose est sûre c'est que la natalité à partir cette époque explose. Un groupe de chasseurs est certainement plus facile à entretenir qu'une ville entière. Quelque soit la nourriture disponible il y avait de plus en plus de monde à nourrir, peut-être que les rations avaient diminuées à cause de cela ?
-Le travail : labourer les champs, transporter de lourds matériaux pour les constructions en bois ou en pierre, le développement de l'artisanat... Avant cela on se contentait de voyager au gré des saisons avec quelques tentes et outils. On sait que les enfants qui travaillent grandissent moins, surtout s'il n'y a pas surcompensation alimentaire, car les calories servant à maintenir le rythme de travail ne servent plus à la croissance.
-Le contact avec les animaux : vivre en permanence avec du bétail permet l'échange et surtout l'entretien de parasites et maladies, comme le ténia (le ver solitaire) ou la tuberculose. Le commerce entre villages devaient certainement les propager relativement loin. L'hygiène et la médecine n'en étaient qu'à leurs débuts, sans compter que les espèces ne commençaient qu'à peine à s'adapter entre elles.
-La génétique : les parents grands font des enfants grands en règle générale.
Puisqu'on parle d'alimentation, à l'époque se dessine déjà les frontières gastronomiques qui marqueront l'Europe pour toujours, pour des raisons géographiques évidentes. En effet, les zones de montagne comme les Monts du Cantal ou vers la Chaîne des Puys sont princpalement destinées à l'élevage de chèvres, moutons, vaches, porcs, tandis que les plaines comme la Limagne serviront surtout à la culture céréalière, surtout de l'orge, et celle des lentilles. La chasse et la pâche étaient encore pratiquées et pouvait représenter jusqu'à 40% de la ration alimentaire. C'est en fait à cette époque où l'on consommait pas mal de sanglier, et pas au temps des Gaulois comme certains le croyaient jusque-là. Pour rappel au Néolithique personne en Europe ne digère le lactose, le lait sert à faire du fromage. Les études génétiques sur les ossements d'animaux domestiques de l'époque révèlent qu'ils étaient issus d'espèces domestiquées d'Anatolie et pas de bêtes Européennes. Cela suppose que ces peuples avaient déjà une bonne maîtrise de la fabrication de bâteaux et des voyages maritimes. Le bétail sert évidemment à la nourriture avec la viande et le lait, mais petit à petit sa force sera aussi utilisée pour divers travaux.
Bien que l'utilisation de fourrures soit toujours de mise, les techniques de tannage du cuir se perfectionnent ainsi que le tissage de textile à partir de lin, laine et poils de chèvre. Des colorants pour les vêtements rouges, jaunes et bleus, issus de plantes ou d'animaux, ont été retrouvés. Il y a peu de vestiges d'habits du Néolithique, mais Otzi, l'homme congelé trouvé dans les Alpes, daté de l'Age de Cuivre (environ -3500) nous donne pas mal de renseignements (vu qu'il y a peu d'évolution entre ces deux périodes historiques) : il portait une ceinture en peau de veau faisant office de baudrier pour accrocher des jambières en cuir et suspendre un pagne en peau, un grand manteau de cuir, une cape en fibres végétales, un bonneau en fourrure d'ours ainsi que des chaussures en peau et écorce garnies de paille. Normal pour un gars se promenant en altitude.
Ce même Ötzi avait sur lui nombre de tatouages, dont certains sur des parties du corps où il semblait souffrir d'arthrose, ce qui signifie que cet art est très ancien et qu'il pouvait être utilisé à des fins thérapeutiques. Il avait aussi la maladie de Lyme, ainsi que des pré-dispositions aux maladies cardiovasculaires, malgré une activité de grand air et une alimentation ni transformée ni très grasse. Comme quoi ! Ce n'est même pas ça qui l'a tué, puisqu'il est mort d'une flèche dans le dos ! A 46 ans, alors qu'on a l'habitude de dire que les gens de l'époque mourraient de vieillesse aux alentours de la trentaine. Homme exceptionnel ou chiffre à revoir ?
L'Auvergne était rattachée à la Culture de la Céramique Cardiale, qui regroupait également une partie du Sud de la France, l'Italie, un peu l'Est de l'Espagne, la Corse, la Sardaigne et la Sicile. On la nomme ainsi à cause du Cardium servant à dessiner des motifs sur les poteries dans cette aire géographique, il s'agit d'un coquillage à cannelure que l'on nomme plus couramment Coque. La céramique présentait divers décors élaborés à base de lignes et triangles. Les outils étaient bien entendu en pierre taillée, on trouve des pointes de flèches, des faucilles et des haches.
L'organisation sociale de l'époque évolue. On suppose que le début des inégalités commence avec l'accumulation de denrées alimentaires et de matériaux, la répartition des tâches agricoles et artisanales devenant des corps de métiers. Avec l'urbanisation les premières fortifications apparaissent, pour que les communautés voisines ne viennent pas piller la nourriture et le reste. Les tombes de prestige sont construites pour des personnes ayant une plus grande importance que le reste population. Les sites en hauteur faciles à défendre comme Corent sont privilégiés.
Si dans les premiers villages du Néolithique Européen les maisons sont relativement grandes et peuvent accueillir une trentaine de personne, plus tard on aboutit à des habitations plus petites servant à abriter des familles au sens moderne du terme, c'est à dire les parents et leurs enfants. Les forêts sont en partie rasées pour les besoins agricoles.
C'est à cette époque qu'apparaissent les Mégalithes, les grosses pierres telles que les Menhirs ou les Dolmens, qui sont très présents en Auvergne. La prouesse technique est impressionnante, surtout avec les moyens du moment. Les Dolmens sont souvent des portes de sépultures aujourd'hui disparues, les Menhirs eux pourraient simplement marquer des routes, un peu comme des bornes kilométriques actuellement. Certaines constructions plus élaborées peuvaient servir de cadrans solaires voire de calendriers comme Stonehenge en Angleterre. Le tumulus de New Grange en Irlande possède une chambre centrale qui n'est directement éclairée que quelques minutes durant le Solstice d'Hiver. Les buts de la culture Mégalithiques nous échappent actuellement, bien qu'il semble évident qu'il y ait une importante portée religieuse, peut-être même scientifique.
Malheureusement en Auvergne nous n'avons pas d'architecture aussi poussée (ou pas encore découverte ?) que dans les îles Britanniques datant de cette époque, mais la présence de cette civilisation est bien attestée. Par exemple rien qu'à Saint-Nectaire il y a 6 Dolmen, et lors des travaux récents de l'autoroute vers Clermont-Ferrand un alignement de Menhirs a été découvert. Il y a des sites que le folklore local interprètent comme des résidences de Fades (Fées), d'autels ou tombes Druidiques, de pierres ayant servies à des Géants.
On ne sait rien de leur religion ni de leur langue. La plupart des langues parlées en Europe datent des invasions Indo-Européennes, à part le Basque, il serait donc possible que ce soit une survivance d'une langue Néolithique, peut-être même antérieure, mais peu de pistes existent pour le déterminer. Une partie des défunts étaient enterrés sous les habitations, des Mégalithes ou des Tumuli, en pleine terre, dans des cercueils en bois, individuellement ou en groupe, dans des anciens puits ou lieux de stockage. Mais face au faible nombre de tombes retrouvées, on imagine que l'incinération était fréquente. On a trouvé quelques fosse communes, peut-être suite à des massacres. Il y avait aussi parfois préservation des crânes des morts dans les habitations ou des maisons dédiées aux défunts, peut-être dans le cadre d'un culte aux ancêtres ?
Articles liés : Génétique des Auvergnats
17:19 | Tags : préhistoire | Lien permanent | Commentaires (0)